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  • Cheikh Ahmadou Bamba Ndiaye

Ndogalu Yàlla, le coupable permanent

Dernière mise à jour : 8 nov. 2023

S'en remettre au ndogal, à la volonté divine, à chaque fois que des Sénégalais meurent dans la plus grande facilité est, de notre part et de la part de toutes nos Autorités, une grave manifestation d'irresponsabilité et un abus de foi. Nous devons apprendre à nous rendre plus responsables de la vie humaine dans notre Pays, car si celle-ci s'y banalise, je ne vois pas une autre valeur digne qu'on se batte pour elle.


La mort facile, dans ma bouche, est le contraire de la mort naturelle. Tout laisse espérer qu'elle aurait pu être évitée avec moins de négligence.


Au Sénégal, la mort facile est répandue. De manière récurrente, le Pays est appelé à observer le deuil de ses Citoyens morts dans des incendies, des accidents routiers, des bavures, des bagarres et aggressions... Une succession lassante de deuils qui ont presque toujours les mêmes origines et le même déroulement, et finissent dans les faits divers.


L'information est partagée; la surprise est feinte; l'abattement est furtif; les morts sont enterrés avec une gênante précipitation (1) ; et comme toujours, au lieu de chercher à établir les véritables causes et responsabilités, on empruntera le chemin de la facilité en voulant faire croire aux Citoyens que tout ceci n'est que Ndogal, volonté divine...


Il est hors de question pour le croyant que je suis de remettre en cause la volonté divine, mais celle-ci ne doit guère servir de couverture à notre propre irresponsabilité. Bien sûr que Dieu est l'auteur de toutes les morts, mais pourquoi donc condamne-t-on les criminels ? Pourquoi Dieu Lui-même, dans ses Livres Saints, exige de l'Homme-même ayant tué son prochain par inadvertance, de réparer son tort par le biais de l'indemnisation ?


La vie, comme la mort, procède de Dieu, mais sa préservation est de notre ressort. L'idée du sabab, de l'effort, existe, justement, pour nous rappeler qu'on n'est pas neutres dans ce qui arrive dans notre vie. Que croyons-nous, au juste ? Que Dieu viendra inculquer la discipline à nos Concitoyens, pour qu'ils respectent les consignes et n'allument pas leurs cigarettes aux endroits interdits ? Que Dieu viendra guider le volant du chauffard dans les rues sénégalaises, lui-même sans un permis de conduire ou avec un permis obtenu dans des conditions effrayantes ? Que Dieu viendra mettre à la disposition des pèlerins de Daaka les citernes d'eau et les bâches que leur avait promis le Ministère de l'intérieur lors d'une réunion préparatoire ? Que non ! il faut ce moment où on n'arrête de culpabiliser le Bon Dieu et où, consternés mais enfin résolus, on réussit à apprendre de nos erreurs assassines; à réagir face à elles.


Notre fausse idée du ndogal nous empoisonne tellement l'esprit — surtout quand elle est soutenue par notre fausse idée du Yërmande, la clémence — qu'on ne craint plus de mettre fin aux jours d'un(e) Sénégalais(e). Les excuses sont à portée de négociations; les peines de prison légères ou non respectées, quand,bien sûr, poursuites il y a; parce que les morts, eux, « sont déjà morts ».


Quant à moi, je reste convaincu que si les secours dont ils avaient besoin étaient arrivés avec la même vitesse que celle avec laquelle s'effectuent leurs enterrements; si l'État, au lieu de promettre des investissements posthumes s'était investi dans la prévention des dangers; si les proches des victimes consacraient davantage leur énergie à réclamer justice pour leurs disparus, plutôt que s'empresser de se débarrasser d'eux et de se répartir les héritages; alors, la mort ne serait plus aussi facile sous nos cieux.


Les pèlerinages comme Daaka, Porokhane, Touba et Tivaouane, auraient fait l'objet de préparations plus minutieuses : on aurait, par exemple, construit, depuis fort longtemps, plus de routes pour que des millions de pèlerins ne s'agglutinent pas sur des entrées uniques. La délivrance des permis de conduire ne serait plus ce grand bazar dont je suis moi-même témoin : comment peut-on signer qu'un aspirant conducteur a son permis quand, lors des épreuves de code, pas une seule question ne lui a été posée; et qu'il a à peine déplacé son véhicule de cinq mètres pour qu'on le déclare apte à être conducteur sur nos routes nationales ? Les actes de violence ne seraient plus à la mode : les apprentis délinquants sauraient définitivement qu'on ne tue pas un(e) Sénégalais(e) pour se retrouver libre de toutes charges le surlendemain. Mais tout ceci, il faut bien le retenir, ne sera possible que quand nous saurons faire preuve d'une plus grande considération de la vie humaine.


Au lieu donc d'accuser Dieu ou Le supplier d'épargner nos vies, on doit au préalable nous conformer aux règles primaires de protection de la vie humaine : nous rendre responsable et respectueux de la vie de nos Concitoyens. C'est cela que nous ordonne notre foi; c'est par cela que se justifie notre citoyenneté.


(1) Selon le quotidien Le Soleil, 17 corps non-identifiés parmi les victimes de Daaka auraient inhumés. Lire l'article ici.



Photo de couverture : © Dakaractu

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