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  • Cheikh Ahmadou Bamba Ndiaye

Fâcheuse caricature

Dernière mise à jour : 17 sept.

Des Sénégalais déplorèrent l’attitude de leur diplomatie d’État qui prit part à la marche parisienne du 11 janvier 2015 pour ensuite interdire le numéro spécial de Charlie Hebdo dans les kiosques du Pays. J’en fus partie : je ne vois pas la nécessité de défendre un droit fondamental tel la liberté d’expression s’il doit prendre la forme de la ligne éditoriale de Charlie Hebdo. On ne peut pas faire profession de tolérance et ne fournir la moindre preuve de considération de la foi et des croyances des uns et des autres. Informer, divertir, critiquer : rien de ces tâches n’exclut le respect et la décence ; à moins qu’on ne sache pas bien les faire.

Jeune Afrique, dans un communiqué (1), à mon sens, pas moins insultant, n’aurait voulu, à travers sa caricature, que « dénoncer la bêtise de ceux qui ne font pas la différence entre un caftan et une robe ». Je m’oblige de poser deux questions : d’abord, si le rôle d’un medium est d’éduquer, corrige-t-on une attitude qu’on regrette chez une partie du Lectorat ou de leurs Concitoyens en la qualifiant de « bêtise » ? Quelque étranges, infondés et inacceptables que puissent nous paraître les vues de l’Autre, je ne vois nulle pédagogie qui autoriserait qu’on les désigne avec ce mot sans politesse. Aussi, si ce Magazine est convaincu que ces Gens « aux déductions faciles et infondées » portent une « bêtise », il faudra également qu’il nous dise s’il existerait une « bêtise » plus grande que commettre une « bêtise » en voulant en dénoncer une.

Cette question trouverait son fondement en ladite caricature même. En l’examinant et la réexaminant, je n’ai pu m’expliquer la nécessité de mettre la seule photographie de Serigne Touba, d’aller aussi loin, pour une affaire concernant Waly Seck. Pourquoi y mêle-t-on le premier ? Si ce n’est que son caftan, combien de Sénégalais, d’Africains, le portent-ils quotidiennement ? Ou Monsieur Glez eut-il pensé qu’en représentant un anonyme son message aurait eu une moindre portée ; que son talent se serait moins exprimé ? Aujourd’hui, après toute cette « émotion » suscitée, serait-il en train de se féliciter de son chef-d’œuvre ? Et ceux qui s’étonnent qu’une simple caricature puisse susciter toute cette « vénérée » « émotion », savent-ils ce que Serigne Touba représente pour ses Mourides et ses Compatriotes ? L’estime qu’ils lui vouent, serait-ce aveugle complaisance ou reconnaissance à ses enseignements dont Dieu est l’Essence, et la science, le travail, l’utilité envers son Prochain, les canons ? Et Monsieur Soudan qui en appelle à ces enseignements pour apaiser leur colère (2), se fut-il référé à eux pour dire à son magazine que cette photographie n’avait pas sa place dans cette caricature, qu’elle risquait de rendre furieux plutôt que d’informer réellement ou de faire avancer quelque débat de société dans ce Pays ?

Je défends qu’il est dans le bénéfice du Mouridisme que Serigne Touba ne soit pas sanctuarisé, un intouchable vers qui ne se dirigerait la moindre critique : ses choix de vie peuvent ou doivent être questionnés, son héritage évalué, et même ceux se revendiquant de lui pourraient être contestés : pourvu que cela se fasse au moins dans le respect de ceux qui lui portent leur dévotion et dans la rigueur intellectuelle qu’il sied. Mais pas sous cette forme de plaisanterie, que ne cautionneraient ni les circonstances, ni l’audace du génie, ni la liberté d’expression, au sujet de laquelle je suis du nombre de ceux qui ne rient point. Et si être tolérant voudrait dire rire de ce qui, pour moi, n’est que manque de respect, alors, il faudrait me déchirer la bouche pour voir mes marron dents dehors.

Je n’ai aucune menace à brandir, aucune sanction ou rupture à prôner, mais il est de l’intérêt de Jeune Afrique, aussi bien que du nôtre — ne serait-ce que pour notre temps qui en pâtit — de ne plus tomber dans pareille dérive s’il désire que le travail de ses Plumes et Pinceaux continue d’être respecté et salué… par ces Personnes qui ne commettent pas le tort à leur Prochain et n’aiment qu’on en fomente à leur endroit.

Si mon pardon compte, je l’accorde.

(1) Voir ici.

(2) Voir ici.



Photo de couverture : © wjgomes

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