Cinq enfants, d'une même mère, d'un même père, morts et ensevelis les mêmes jours, dans un incendie supposé accidentel. Drame familial. Tragédie nationale. Ici des mots pour dire repos à leurs âmes.
Quatre filles et un garçon vous étiez. Seynabou, Astou, Fama, Ndèye et Gorgui Kader vous vous nommiez. D'une même mère et d'un même père vous étiez, tous deux absents ce même matin où, ensemble, vos âmes s'en allaient.
Votre mort collective est d'une douleur particulière ; elle est une tragédie nationale dans laquelle je ne sais le sort de qui d'entre vous est le plus à plaindre.
Siggil ndigaale, mes condoléances, Monsieur Ousseynou Diaz. Je vous demande d'être fort, même si je doute qu'il soit possible de l'être à votre place. Dans votre si lancinante et abusive détention préventive de quatre ans, vous avez été privé de la chaleur de vos enfants. Aujourd'hui vous les retrouvez, non pour les embrasser et recommencer une nouvelle vie avec eux, mais pour les couvrir de vos larmes et de leurs linceuls. Cinq corps pour un même deuil, un adieu pour tous ses enfants, mon cher Monsieur Ousseynou, je compatis, de toute mon âme.
Soxna ji Jéey, masa yow. Aurez-vous encore le courage d'accoucher ? Les fruits de vos entrailles sont ensevelis, eux qui étaient, sans doute votre plus sérieuse source de motivation. J'ose vous imaginer dans le corps de ces grandes dames qui se contentent de vivre en courant derrière le bonheur de leurs enfants. Comment, Madame Ndoumbé Dièye, seule, parveniez-vous à nourrir cinq bouches dans ce Pays en pénurie de tout ? Comment revêtiez-vous le boubou de leur père pour atténuer le chagrin de son absence ? De brave, je vous qualifierais, car les filles étaient demeurées à l'école, alors que vous auriez pu les délivrer à la rue, à la mendicité ou même à la prostitution. Aujourd'hui vous ne les avez plus à votre charge, mais cela est sans vous soulager. Nous autres ferons leur deuil le temps d'une émotion tandis que vous, ma chère Madame, éterniserez ce deuil dans chaque souvenir du petit Kader, dans chaque imagination de la femme que serait devenue Astou. Soxna ji Jéey, siggil ndigaale.
Mes soeurs et mon frère en le Sénégal, maintenant que vous êtes morts, que puis-je vous dire pour vous faire aimer ce Pays ? Que puis-je faire pour vous si ce n'est vous offrir mes prières ? Très probablement, vie aura été bien plus tranquille que la vôtre. Être retrouvés morts, à cinq dans une même chambre, donne une idée de vos conditions d'existence. Être coincés dans cette chambre, dans l'attente de la mort, sans que des secours efficients vous soient fournis, montre à quel point nous sommes en sécurité dans ce Pays. Pendant qu'on y est, mangiez-vous à votre faim ? Car, l'État vient d'offrir des vivres à votre famille... La misère sociale, elle est commune chez nous, d'où ma grande crainte que dès demain, on annonce de pareilles victimes que vous. Pardonnez-nous de n'avoir su vous offrir une sécurité sociale ; peut-être que vaincre la misère et la mot facile n'est pas tant une priorité pour nous.
Seynabou, Astou, Fama, Ndèye, Gorgui, vous vous nommiez. De cinq à dix-huit, vos âges se comptaient. Ce samedi, on vous a tous enterrés.
Puissent vos âmes reposer en paix. Enfin.
Photo de couverture : © Photo personnelle d'Astou Diaz
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