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  • Cheikh Ahmadou Bamba Ndiaye

L’Humanité en esclavage

Dernière mise à jour : 15 sept. 2023

Mesdames, Messieurs,

Jadis, derrière les dromadaires, bavaient des Hommes par centaines, ligotés les uns aux autres, et traînés à travers un désert vaporisant, où leurs pieds et leurs sexes s’écartelaient sous la chaleur, en même temps que fondait leur Dignité.

Naguère, jusque dans les guerres, jusque dans les ménages, jusque dans les refuges les plus reculés, par milliers, des Hommes étaient traqués comme du gibier, à la flèche, à la trappe, au filet, puis étaient parqués et juxtaposés dans la puanteur des cales desquelles on extrayait des cadavres et des nouveaux-nés jetés saignants dans les mâchoires de l’Océan.

Les Morts, en ces circonstances, étaient toujours moins malheureux que les survivants, survivants que la honte consumait de n’être devenus que des marchandises palpées par les doigts acides d’individus qui se nommaient acquéreurs, personnages vaniteux qui se prétendaient maîtres, bourreaux éhontés qui osaient donner leurs noms aux plaies de leurs viols.


Aujourd’hui, alors qu’on avait toutes les raisons de croire que l’Humanité avait atteint une certaine maturité et que celle-ci avait redressé tous les esprits, on se rend violemment compte qu’on avait tort. Il est parvenu aux oreilles de tous ces voix calamiteuses d’Hommes proposant leurs vulgaires 700, 800 et 1200 dinars contre la Liberté et la Dignité d’un autre Homme.

Cette nouvelle décadence de l’Humanité se passe sous nos yeux, souvent sous notre silence, notre indifférence, voire avec notre complicité, par l’impuissance qu’on a voulu nous reconnaître. Nous dire révoltés, on a plus que le droit aujourd’hui, mais nous dire surpris, nous ne devrions pas. Ce drame est le prolongement d’une succession de signaux, de choix et de comportements personnels, de décisions et de défaillances politiques qui ne sont inconnus de personne.

L’heure, évidemment, n’est pas au règlement des comptes, mais il est impérieux que chacun, de l’intérieur comme de l’extérieur de l’Afrique, prenne ses responsabilités ou soit sommé de le faire. La tentation est grande de se dédouaner ou de chercher à diluer sa responsabilité en signalant celle de l’autre. Ce qui conduirait à un statu quo fatal.

Un Gouvernement africain pilleur des ressources existantes dans son Pays n’est pas moins responsable de la migration et de l’esclavage en Libye et ailleurs qu’une France qui initie le bombardement en Libye ou une Union Européenne cynique dans ses politiques migratoires. Un citoyen dit du Nord ne voyant en ledit Sud que des opportunités à exploiter, peu ou prou, n’est pas plus conscient que la famille qui encourage son enfant à migrer au prix de sa vie.

Notre responsabilité à tous est interpellée et chacun doit répondre à la hauteur de la sienne. Nous adonner à des accusations réciproques pour mieux nous ancrer dans le déni est intolérable, aujourd’hui plus que jamais. Cette tragédie ne peut pas rester comme telle, car l’Humanité ne doit pas s’accommoder de l’esclavage ni de tout ce que, par un douteux euphémisme, on appelle « crise migratoire ».

Une crise, même grave, ne dure pas autant d’années et ne tue pas autant de personnes. Personnes à la mémoire de qui l’ASPA vous invite à vous mettre debout pour observer avec elle une minute de silence. Minute de silence pour souhaiter le repos à leurs âmes parties anonymes ; minute de silence pour compatir avec leurs familles ; minute de silence pour désapprouver le sort qui leur a été réservé ; minute de silence pour rappeler que, jamais, nous ne devons laisser un Homme être condamné par un autre Homme à faire le deuil de sa Liberté.

Vous priant de ne pas applaudir, je vous remercie.



Photo de couverture : © Cristian

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