Qualifier la colonisation, depuis l'Algérie surtout, de crime contre l'Humanité a valu à Emmanuel Macron de foudroyantes réprobations, l'obligeant d'ajuster son propos et d'employer une expression plus consensuelle : « crime contre l'Humain ». Victoire suffisante pour les milliers de nostalgiques de la colonisation s'efforçant, au moyen des récits fictifs, de conserver la mémoire d'une période de bienfaisance et de rayonnement de l'espèce Humaine.
Emmanuel Macron ayant effectué son repli, les nostalgiques remettent les grincheuses médailles coloniales au tiroir, en attendant qu'un nouvel imprudent essaie de leur troubler la conscience. Ils préfèrent croire qu'ils ont fait leur travail; qu'ils ont bien fait un bon travail et que toute la brutalité de l'époque était suffisamment dans l'ordre du normal pour ne pas, aujourd'hui, leur arracher le moindre regret.
Ces nostalgiques n'ont d'ailleurs aucune mesure de la gravité de leur action en Afrique ou ailleurs, car enfermés dans leur rêve que ces Pays restent les sujets du leur et que bien peu d'efforts sont fournis pour les extirper de ce rêve; pour leur dire que leur gloire de coloniaux n'en est pas une et que même s'ils reçoivent parfois l'éloge de leur gouvernement, l'Histoire, la vraie, celle qui n'est plus sous la plume exclusive d'une puissance quelconque, a déjà retenu leur responsabilité dans les tueries massives, les déportations, les pillages et les humiliations culturelles qui ont, du début jusqu'à la fin, été le menu quotidien de ceux qu'ils appelaient, violemment et banalement, « les indigènes ».
Les gouvernements actuels des anciennes puissances impériales peuvent continuer de retarder le débat sur la reconnaissance des crimes innombrables et innommables perpétrés en Afrique et ailleurs au nom d'une sombre et décadante mission civilisatrice. Ils peuvent continuer de détruire ou classifier les archives relatives à cette période, et ainsi priver des millions de Jeunes d'Afrique et d'ailleurs d'une part de l'Histoire de leurs Ancêtres. Ils peuvent continuer de se réfugier derrière un plat orgeuil, une fierté insensée, pour ne pas assumer les crimes de leurs États et continuer à taxer de traîtres ceux parmi leurs Citoyens ayant la hauteur de les admettre à leur place. Ils peuvent continuer à reconnaître lesdits crimes sans s'excuser; ou à s'excuser à demi-mot pour simplement se dérober au devoir légal, légitime et digne de réparer leurs crimes. Ils peuvent encore et encore rejeter cette qualification peu sévère de crime contre l'Humanité. Tout cela n'engage que leurs États, leur crédibilité et leur posture morale.
S'ils peuvent continuer de vivre avec ces millions de tués injustement, ces patrimoines volés, au lieu de la reconnaissance formelle de leurs torts et de leur réparation convenable, alors, qu'on les laisse dans leur suicide moral. Une ancienne puissance coloniale incapable d'assumer ses responsabilités devant ses victimes se fait fort petite; elle n'a d'ascendance morale que sur elle-même.
Quant à nous, victimes parce qu'étant ayants-droits, nous n'attendons pas la permission de la France, de l'Espagne, du Japon ou du Royaume-Uni, pour dire que la colonisation était pire qu'un crime contre l'Humanité. D'ailleurs, à son apogée, la colonisation avait fait disparaître l'Humanité pour faire émerger une jungle, des ténèbres dans lesquelles l'asservissement de l'autre ne manquait pas d'excuses tant que le gain était présent. Et c'est cette Histoire que l'on gardera et que l'on transmettra, par Conviction et toujours sans haine, à nos Enfants pour qu'ils sachent se méfier de la « bibliothèque coloniale » quand ils veulent connaître la vraie Valeur de leurs Ancêtres, différente de celle rendue systématiquement inférieure pour les vices de l'idéologie.
Nous enseignerons bel et bien à nos Enfants que la colonisation était pire qu'un crime contre l'Humanité, car, nous, nous sommes dans la réalité des faits historiques et le refus de voir la mort de nos millions d'Ancêtres banalisée, tandis qu'eux, les nostalgiques, sont dans le déni intenable et les acrobaties langagières.
Photo de couverture : AFP
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