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  • Cheikh Ahmadou Bamba Ndiaye

Le contrat intergénérationnel

Dernière mise à jour : 8 nov. 2023

Chaque classe d'âge a des forces, faiblesses, états physiques et psychologiques qui la caractérisent. Les personnes âgées, au soir de leur vie, capitalisent sur leur expérience ; les jeunes, à la fleur de l'âge, peuvent compter sur leur force brute, leur fraîcheur intellectuelle, leur engouement ; tandis que l'enfance, en tant que commencement, passe pour le quartier de l'innocence, heure des jeux et des premiers apprentissages, sans responsabilités majeures. Sous réserve de longévité, chaque individu, une fois né, est destiné à être successivement enfant, jeune et personne âgée. D'où, il importe que chaque individu réfléchisse sur la manière dont il voudrait aborder chacune de ces étapes de la vie et que, de façon plus générale, chaque société réfléchisse sur la façon de faciliter à ses membres le passage d'une étape à une autre.


L'enfant qui naît a immédiatement besoin de l'assistance de ses parents et aînés, puisqu'il ne sait encore rien faire par lui-même. Ces derniers ont la responsabilité de l'élever, de le protéger et de lui procurer les outils dont il aura besoin pour avoir une place au sein de l'Humanité. Selon que l'assistance reçue est de qualité ou pas, le reste de son parcours peut être réjouissant ou pénible ; serviable ou totalement inutile. Et il y a ici lieu de préciser qu'au-delà du bonheur naturel que procure le fait de s'occuper de l'enfant, l'effort que cela nécessite est un investissement qui peut être fort bénéfique au parent, à l'aîné, à un moment de sa vie où, comme l'enfant, il aura besoin d'assistance : la vieillesse, le temps des délabrements.


C'est pourquoi, il est très dangereux, après avoir mis au monde un enfant, de l'abandonner à lui-même, de ne pas prendre le soin de le nourrir, de le vêtir, de l'éduquer, de l'instruire ; bref, de le préparer à demain vous relever. Malheureusement, ils sont encore nombreux ces Parents qui, au moment où leurs progénitures ont le plus besoin de leur accompagnement, préfèrent multiplier les nuits de noce, procréer dans chaque région, dans chaque quartier, sans répondre à l'appel desdites progénitures qui grandissent parfois avec un fort ressentiment à l'égard de ces parents à qui ils estiment ne devoir rien... Ont-elles vraiment tort si en retour, devenues adultes, elles songent peu à ces derniers qui, naguère, les avaient à peine considérées ?


La même logique s'applique à la société qui veut assurer sa tranquille pérennité. Si celle-ci veut assurer un commun Bien-être, il lui faudra établir entre les différentes classes d'âge un devoir de Solidarité et d'assistance mutuelle. Sans quoi, les catégories les plus vulnérables (enfants et personnes âgées, notamment) seront toujours dans la souffrance. Et puisque nul individu n'est indéfiniment jeune, le risque de connaître des lendemains difficiles est réel pour tous, même pour ceux qui pensent qu'économiser leurs salaires ou, pis, que détourner beaucoup de fonds publics, suffira à s'offrir des derniers jours mielleux.


Le fait est que le legs d'une génération à une autre dépasse le seul cadre de l'argent. Le cadre de vie dans lequel enfant, jeune et personne âgée se côtoient est harmonieux seulement si ceux qui deviennent âgés ont déjà transmis à ceux qui détiennent les responsabilités présentes les bonnes valeurs, moeurs et coutumes ; s'ils leur ont laissé des institutions solides et de bonnes pratiques civiques et politiques ; s'ils n'ont pas dilapidé les ressources du Pays ni hypothéqué son écosystème...


Le fonctionnaire qui ne fait pas cas du chômage des Jeunes se rendra amèrement compte de l'importance de leur emploi quand une fois retraité, il aura du mal à toucher sa pension parce que le petit nombre de Jeunes employés ne le permet pas. L'autorité, l'aisé citoyen, qui ne s'est jamais conformée au principe de l'égalité devant le service public ne manquera pas de le regretter quand, son pouvoir perdu et son influence enterrée, elle devra se fondre dans la masse de Citoyens ordinaires et de là, désormais, observer, impuissamment, de nouvelles têtes jouir des traitements de favoritisme. De même, la personne âgée qui, hier, n'avait aucun égard pour ses aînés, se verra, en service public, contrainte de s'aligner comme tout le monde ; alors que si elle avait instauré, en guise de bienveillance envers ses aînés et quand elle avait le pouvoir de le faire, un régime spécial pour les personnes du troisième âge, aujourd'hui, elle allait en jouir à son tour.


Il apparaît donc qu'en famille comme en société, le contrat générationnel est à la fois exigences et protection, services rendus et bénéfices mérités. Chaque Individu, chaque classe d'âge, doit cesser de croire qu'il n'est responsable que de lui-même, car demain, son sort, en grande partie, sera entre les mains d'un autre. S'il a pris le soin de former ce successeur, il n'aura aucune crainte à se faire, car ce dernier, conscient de ce qu'on a investi en lui, voudra être à la hauteur de ce qu'il a reçu. Cependant, si délaissé il a été, l'individu marchera sans la conscience de la moindre dette envers son géniteur ou sa Société. C'est pourquoi la Société qui ne s'est pas du tout occupée — ou s'est bien peu occupée — de sa Jeunesse n'a pas acquis le droit d'espérer d'elle un futur meilleur. Cet espoir a un tribut que la Société n'aura pas honoré.


Je me sens, néanmoins, dans l'obligation d'exhorter ma Génération, malgré le nombre limité de prestations reçues de nos Devanciers. Nous leur devons certes l'Indépendance, mais hériterons d'eux un lourd endettement ; des inégalités sur fond d'illégalité ; de la corruption à toutes les sphères du Service Public ; l'absence d'une Éducation universelle, continue et de qualité ; la pénurie de perspectives professionnelles ; le confinement des jeunes dans les rôles politiques subalternes ou leur malsaine instrumentalisation.


Notre Génération devra cultiver un esprit de dépassement et d'exemplarité afin d'être celle qui refusera de perpétuer les mauvaises pratiques héritées. Notre Génération saura accorder à la Génération aînée des droits que celle-ci n'a su offrir à la sienne, et à la Génération cadette plus que ce que nous étions en droit d'attendre de nos aînés. Mais pour être la Génération qui a peu reçu et a su donner le plus, notre Génération est appelée à se démarquer des précédentes en étant plus ambitieuse, plus engagée et plus travailleuse. Nous avons donc des journées ardues, mais stimulantes, devant nous.



Photo de couverture : © Éric Lafforgue

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