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  • Cheikh Ahmadou Bamba Ndiaye

Foi en l'Afrique

Dernière mise à jour : 17 sept. 2023

Chères Africaines,

Chers Africains,

Bienheureux Africanistes,

Si toutes les dates ne se valent point, c’est bien parce que toutes ne peuvent pas réunir comme celle d’aujourd’hui une assemblée aussi belle que la vôtre. Je suis heureux d’être parmi vous et me réjouis de vous souhaiter, au nom de l’Association des Etudiants de Sciences Po pour l’Afrique, la bienvenue à cette Conférence Inaugurale marquant notre douzième rentrée universitaire.

Cette longévité enviable, l’ASPA la doit aussi bien à la fidélité de ses sympathisants et de ses partenaires qu’à la franche implication de ses Bureaux successifs. Entre le mandat fondateur et celui de 2016 ­— 2017, l’ASPA, à force de créativité, d’ambitions et persévérance, a su s’affirmer à Sciences Po et faire prendre part l’Afrique à tous les grands rendez-vous. A tous les Bureaux prédécesseurs, en particulier à celui de l’année dernière, je vous invite donc à offrir de chaleureux applaudissements.

Notre Bureau de 2017 — 2018, composé à ce jour de 69 membres, a fait sienne cette mission originelle de l’ASPA de faire rayonner l’Afrique. C’est à l’appel de cette mission que nous avons répondu avec enthousiasme et c’est vers son accomplissement que depuis Septembre nous dirigeons, avec méthode et courage, tous nos efforts. De courage, je ne puis en effet que parler s’agissant de ces étudiantes et étudiants se dédiant, bénévolement et indéfectiblement, à notre Association, en même temps qu’à leurs nombreuses obligations scolaires.

Leur courage est recommandable d’autant plus qu’il n’est risqué ni déraisonnable. Risqué il n’est point, en effet, car l’ASPA cultive en ses membres deux valeurs cardinales valables aussi bien dans leurs entreprises académiques qu’associatives : l’Excellence et l’Exigence. Déraisonnable, également, il n’est point, car l’Afrique pour qui nous nous investissons vaut bien notre courage et tout le meilleur de nous.

Nous ne concevons pas notre engagement en sa faveur et le temps que celui-ci requiert comme une aumône qu’on lui accorde. Nous n’avons pas la prétention maladroite d’être à l’Afrique ses fournisseurs de dignité ; comme si elle n’en avait point ou en manquait. Non plus ne nous pardonnerions-nous jamais de définir notre lien à l’Afrique sous le prisme de l’humanitaire.

A l’ASPA, l’Afrique est pour nous une figure supérieure à nos personnes. Rien ne nous honore plus que d’être à son service. Rien ne nous enchante plus que de la voir entrer dans divers cœurs et de la sentir jouir du respect de tous. Rien ne nous préoccupe davantage que de lui restituer sa grandeur, sa place salutaire dans la marche humaine, que des drames historiques et des préjugés récalcitrants ont tenté d’ébranler. Rien ne nous inspire, Mesdames et Messieurs, autant que le combat inconnu, méconnu ou étouffé, de cette Afrique qui n’a de cesse de prouver qu’elle ne vaut pas moins qu’un autre continent et qui, indocile et persévérant, sait toujours se porter aux sommets où on l’attend le moins.

Nous avons chacun eu le malheur d’entendre, au moins une fois, une injure se voulant érudite crachée sur le front de l’Afrique. De primitivité, de barbarie, de paresse, d’introversion, d’hilarité, de méchanceté, l’Afrique aura été accusée. Mais la violence de ces injures aura toujours été égale à l’inculture ou à la mauvaise foi de leurs auteurs. Car le moins qu’un esprit cultivé et honnête puisse témoigner, s’agissant de l’Afrique, est qu’un continent absent de l’Histoire ne donne pas naissance à l’Humanité, aux premières industries ou à l’Égypte antique. Qu’un continent par essence désorganisé n’allaite pas un Empire aussi vaste que le Mali de Soundjata Keïta et de Kanka Moussa, ou l’Ouganda de Moutesa Moukabya. Qu’un continent inerte n’héberge pas des métropoles commerciales d’une vitalité comparable à celle de Gao et de Djenné. Qu’un continent replié sur lui-même ne fournit pas à l’Europe, au Moyen-âge, depuis les mines de Bouré ou les Pays Baoulé et Ashanti, l’or qu’elle a utilisé dans ses transactions avec l’Orient. Qu’un continent de nature servile ne se glorifie pas des Mende de L’Amistad, qui brisèrent les chaînes de l’esclavage ; de femmes comme celles de Nder, qui s’immolèrent parce qu’abhorrant l’invasion ; ni de Babemba, roi du Kénédougou, qui se donna la mort pour ne pas subir l’odieuse colonisation. Qu’un continent rétrograde ne sait pas démanteler l’apartheid et les autocraties postindépendances que d’aucuns juraient inamovibles.

C’est en cette Afrique dynamique, capable et libre que l’ASPA s’identifie. Quant à l’Afrique pitoyable, timide et courtisane, pour nous, elle n’a jamais existé. Et plus qu’une image ou une vision, l’Afrique confiante que nous promouvons est chez nous une foi, une conviction, une conduite de vie. Née d’un amour commun, nourrie de science et imprégnée de constructivisme, elle se propage sans propagande ni complaisance. Optimiste et réaliste, elle est à la fois. Pensante et agissante, notre Afrique est nécessairement. Nous entendons tout ce qui se dit d’elle, mais ne nous laissons jamais déterminés par ces dires. Sans être suffisante, notre Afrique se pense elle-même, car l’idée de passer pour l’objet ou le cobaye des autres lui répugne. De ses forces et de ses beautés, notre Afrique parle sans orgueil ; et sur ces difficultés, elle se penche sans complexe. Bref, notre Afrique s’assume.

C’est pourquoi, tout au long de cette année, l’ASPA abordera l’Afrique sous tous les angles, des plus sérieux aux plus décontractés ; des plus réjouissants aux moins reluisants. Tous les formats seront explorés, tant que l’interaction et le fonds seront garantis. La Semaine Africaine, prévue pour Avril, demeure notre évènement majeur, auquel nous donnerons une teneur plus artistique. Il sera couronné d’un colloque consacré à l’Education en Afrique. Avant eux, à la fin du mois, sera lancée La Grande Afrique, le Journal en ligne de l’ASPA, lui-même précurseur de nos quatre prix que sont : le Prix Littéraire Alioune Diop ; le Prix ASPA du Leadership Féminin ; le Prix Djeli de l’Art Oratoire et le Prix 100 Clichés de la Photographie. Chacun de ces projets, comme l’ensemble notre calendrier, a vacation à se réaliser, car, pour nous, la bonne idée cesse de l’être lorsqu’elle n’est jamais mise à l’œuvre. Nous nous efforçons donc pour que chaque rendez-vous donné, chaque engagement pris, soit honoré.

En parlant d’engagement, le Pôle Conférence de l’ASPA en a formulé un de majeur : celui de nous faire réfléchir sur les problématiques déterminantes de l’Afrique. Par cette opportunité qu’il nous donne de discuter de prime abord sur le franc CFA, préoccupation commune à quatorze Pays d’Afrique, il honore son engagement, en nous rappelant que nul ne peut prétendre se soucier d’un continent, d’un pays, en négligeant la question monétaire. Le choix d’une monnaie, en effet, n’est jamais neutre et vouloir en battre soi-même ne relève pas que du symbolisme. « Fait social », la monnaie côtoie des notions comme la croissance, la souveraineté économique et la souveraineté politique. Or, il aura été reproché au franc CFA de desservir l’Afrique dans chacun de ces enjeux. C’est la conviction acquise, au fil de ses travaux et de ses expériences professionnelles, par notre distingué invité, le Docteur Kako Kossivi Nubukpo.

Macroéconomiste formé entre 1987 et 1997 aux universités de Strasbourg et de Lyon II ; Major en 2007 au 13eme Concours d’Agrégation des Sciences Economiques du Cames ; Chef de Service au siège régional de la BCEAO entre 2000 et 2003 ; Assistant Technique au Cirad entre 2004 et 2008 ; Chef du Pôle « Analyse Economique et Monétaire » de la Commission de l’Uémoa d’Août 2010 à Décembre 2011 ; Ministre de la Prospective et de l’Evaluation des Politiques Publiques de la République Togolaise d’Octobre 2013 à Juin 2015 ; Docteur Nubukpo est actuellement chercheur au sein du Global Economic Governance Programme de l’Université d’Oxford et Directeur, depuis Mars 2016, de la Francophonie Economique et Numérique. Celui qu’on appelle aussi l’économiste du coton et qui se qualifie lui-même d’intellectuel engagé est l’un des acteurs les plus constants et les plus influents dans l’opposition contre le franc CFA. En 2011, il a fait paraître aux éditions Karthala l’ouvrage intitulé L’Improvisation Economique en Afrique de l’Ouest : Du Coton au franc CFA. En 2016, il a codirigé l’ouvrage Sortir de la servitude monétaire : A qui profite le franc CFA ? paru aux éditions La Dispute.

Ainsi le choix de l’ASPA en cette Conférence Inaugurale s’est-il porté sur la personne du Docteur Nubukpo parce qu’il est légitime et qualifié pour traiter de la question. Il a accepté de répondre à notre invitation et nous lui en savons gré. Dans son intervention, il nous fera part de ses griefs contre le franc CFA, lesquels, évidemment, chacun est libre d’épouser ou de contester. Une certitude est que l’ASPA n’entend pas faire le silence sur ce sujet sur lequel, par ailleurs, en partenariat avec Point d’Aencrage, elle produira un rapport assorti de recommandations à la suite d’une étude six mois démarrant ce 17 Novembre. Le silence elle se refusera également d’observer sur tout autre sujet qui touche aussi directement la condition de millions d’Africains.

Notre amour de l’Afrique nous rend responsables de sa dignité, de ses intérêts et de son bien-être. Responsabilité que nous Jeunesse Etudiante Africaniste sommes décidés à porter sans faillir. Devant un monde en plein bouleversement, où tous les indicateurs signalent que l’avenir ne se passera pas de l’Afrique, notre rôle n’est pas d’espérer, mais de nous atteler dès à présent, par notre formation, nos réflexions et nos actions, à façonner cet avenir. Cet avenir ne doit pas être un autre cauchemar pour l’Afrique, où ses Citoyens se sentiraient si démunis qu’ils seraient contraints d’aller chercher leur bonheur ailleurs, jusqu’à briser leurs vies sur les routes barbelées de l’immigration dite clandestine. Cet avenir doit signifier le soulagement de l’Afrique et de toutes ses ramifications pour consacrer, définitivement, cet arbre robuste et jeune, dont parlait le Poète David Diop : arbre


« Qui repousse patiemment obstinément

Et dont les fruits ont peu à peu

L’amère saveur de la liberté ».

Je vous remercie.



Photo de couverture : © ASPA

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